Le contexte économique ou les évolutions de l’activité peuvent conduire à la nécessité de supprimer/modifier des emplois. Cette situation nécessite le respect des conditions inhérentes à la cause économique et ses conséquences, et une procédure spécifique. Retour sur ces règles.
La cause économique justifiant les conséquences envisagées sur l’emploi
Lorsqu’une suppression de poste/une modification du contrat de travail est envisagée pour une cause non inhérente au salarié, cela induit qu’il est nécessaire de démontrer la réalité de la cause économique justifiant cet impact.
Attention : ces causes économiques sont énumérées limitativement et font l’objet de définitions. Le motif économique ne peut donc résulter de toute situation qui serait jugée contraignante par la société.
Les difficultés économiques
Les difficultés économiques sont à présent définies par les dispositions légales et doivent donc remplir les conditions déterminées par l’article L. 1233-3 du Code du travail.
Ainsi, elles doivent être caractérisées par l’évolution significative d’au moins un indicateur tel que :
- une baisse des commandes ;
- une baisse du chiffre d’affaires ;
- des pertes d’exploitation ;
- une dégradation de l’excédent brut d’exploitation (EBE) ;
- tout autre élément de nature à justifier les difficultés.
Surtout, cette baisse doit être constatée sur une certaine durée variant selon l’effectif de la société :
- un trimestre pour les entreprises de moins de 11 salariés ;
- deux trimestres consécutifs pour les entreprises d’au moins 11 et de moins de 50 salariés ;
- trois trimestres consécutifs pour les entreprises d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
- quatre trimestres consécutifs pour les entreprises d’au moins 300 salariés.
La baisse doit être constatée en comparant :
- le/les trimestre(s) précédant la notification du licenciement ;
- le/les trimestre(s) correspondant à la même période l’année précédente.
Les trimestres pris en compte sont donc les trimestres glissants (connus à la date de notification du licenciement) et non les trimestres civils.
Exemple : une société (9 salariés) notifie un licenciement économique en novembre 2024. Les difficultés économiques doivent être démontrées par une baisse d’un indicateur par comparaison entre août/octobre 2024 et août/octobre 2023.
Ces difficultés économiques doivent être examinées :
- si la société n’appartient pas à un groupe : au niveau de la société ;
- si la société appartient à un groupe : au niveau du secteur d’activité du Groupe au niveau national, étant précisé que ce secteur se caractérise notamment par la nature des produits des biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché.
Ainsi, dans la 1ʳᵉ hypothèse, seuls les indicateurs de la société seront pris en compte. Au contraire, dans la 2ᵈᵉ hypothèse, il sera nécessaire d’identifier les sociétés du Groupe, situées sur le territoire national, ayant le même secteur d’activité que la société envisageant un licenciement économique et d’examiner les indicateurs de celles-ci pour la vérification des conditions précitées.
La réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité
La 2ᵉ cause économique pouvant être invoquée correspond à la réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité (ou si elle appartient à un groupe, pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe).
Ainsi, cette cause peut être invoquée, et ce même si la société ne connaît pas de difficultés économiques, mais que celles-ci sont prévisibles à défaut de réorganisation.
La nécessité de cette réorganisation s’apprécie à la date de notification du licenciement, étant précisé que des éléments postérieurs peuvent être pris en compte (par exemple, les éléments démontrant que les difficultés prévisibles ont été rencontrées).
Le périmètre d’appréciation est le même que celui au titre des difficultés économiques, en distinguant en fonction de l’appartenance ou non à un groupe.
Les mutations technologiques
La cause économique peut également se caractériser par l’introduction d’une nouvelle technologie.
Il n’est pas nécessaire dans ce cadre de démontrer que l’introduction de cette nouvelle technologie constitue une mesure nécessaire à la sauvegarde de la société (Cass. soc. 15 mars 2012, n° 10-25.196).
La cessation d’activité
La société peut aussi justifier la notification de licenciements économiques du fait de sa cessation d’activité.
Celle-ci constitue un motif en elle-même et n’a pas besoin d’être justifiée notamment par des difficultés économiques ou une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité.
En revanche, la cessation d’activité doit :
- s’appliquer à l’ensemble de la société et non à un service ou un des établissements de la société ;
- être totale (il ne s’agit ainsi pas d’une simple réduction d’activité ni d’une cessation temporaire d’activité) ;
- ne pas avoir de lien avec une légèreté blâmable ou une faute de la société.
Cette dernière condition peut ainsi ne pas être remplie si, par exemple, l’exercice de l’activité nécessite une autorisation que l’employeur n’a pas sollicitée ou pour laquelle un refus a été opposé compte tenu d’une carence fautive de l’employeur (Cass. soc. 14 mars 2012, n° 10-28.413).
Les conséquences sur l’emploi
La cause économique doit justifier une des conséquences limitativement énumérées ci-après.
La suppression d’emploi
La suppression d’emploi du salarié est démontrée :
- si le salarié licencié n’a pas été remplacé ;
- si les tâches accomplies par le salarié auparavant ont été réparties entre d’autres salariés ;
- si les tâches sont réalisées par un prestataire de services ou un bénévole.
La transformation de l’emploi
La transformation de l’emploi induit un changement de nature du poste. Par exemple, une évolution nécessitant une nouvelle qualification du salarié ou encore un changement majeur résultant d’une informatisation des tâches réalisées antérieurement.
La modification d’un élément essentiel du contrat de travail
Les causes économiques précitées peuvent également conduire à proposer une modification de son contrat de travail au salarié (rémunération, durée du travail, responsabilités…).
Lorsqu’elle est fondée sur un motif économique, la proposition de modification doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception.
Les salariés disposent alors d’un délai d’un mois pour accepter ou refuser cette proposition.
Attention : ce délai est incompressible.
Cela induit qu’aucune conséquence ne peut être tirée de la réponse du salarié ou de son absence de réponse avant le terme du délai d’un mois.
L’option suivante s’applique alors :
- soit le salarié accepte et un avenant est signé ;
- soit le salarié refuse et il sera procédé à son licenciement pour motif économique de ce fait, après avoir tenté de le reclasser.
Particularité : l’absence de réponse du salarié dans le délai d’un mois équivaut à un accord implicite de la modification.
Initier un licenciement pour motif économique nécessite d’ores et déjà de se poser les bonnes questions. Quelle est la cause économique que je peux invoquer ? Cette interrogation nécessite un examen des indicateurs financiers, notamment afin de déterminer quelle cause est adaptée à la situation et éviter que le motif invoqué ne soit pas conforme à la définition légale, ce qui induirait une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.*
Quelles sont les conséquences effectives ? Dois-je envisager une suppression d’emploi ou cela induirait-il la nécessité de recourir à un salarié à temps partiel ? Dans cette 2ᵈᵉ hypothèse, il serait nécessaire de proposer une modification de sa durée du travail au salarié exerçant jusqu’alors à temps complet.
Ainsi, avant même de démarrer la procédure de licenciement économique, il convient d’être prêt sur ces deux éléments indispensables.
Caroline Mo – avocate
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