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Juridique
14 octobre 2024

Quelles sanctions pour quels manquements ?

Pour notifier une sanction, il est indispensable de connaître la procédure disciplinaire. En effet, à défaut, la procédure est irrégulière et le salarié peut solliciter une indemnisation à ce titre. En outre, certains principes doivent être strictement respectés afin d’éviter l’annulation de la sanction et l’indemnisation subséquente du salarié.

Quelle procédure appliquée pour notifier une sanction ?

Deux procédures peuvent être potentiellement applicables en fonction de la gravité de la sanction envisagée :

Pour les avertissements ou autres sanctions mineures (rappel à l’ordre par exemple)

Il n’est pas nécessaire pour ce type de sanction de convoquer le salarié à un entretien ou même de tenir un tel entretien.

La notification d’un écrit demeure en revanche obligatoire, les observations verbales n’étant pas considérées comme des sanctions[1].

L’écrit est en outre, et en tout état de cause, recommandé dès lors qu’il sera plus complexe, voire impossible de démontrer la réalité d’observations verbales si celles-ci sont invoquées par la suite pour justifier la notification d’une sanction plus importante.

Aucun formalisme spécifique ne s’impose en revanche : la notification peut ainsi prendre la forme d’un email, d’une lettre recommandée avec accusé de réception…

Là encore, pour des questions probatoires, il est en revanche préférable de ne pas procéder par la voie de l’envoi d’une lettre simple, sans preuve de réception par le salarié.

Pour les sanctions dites graves

Les sanctions sont soumises à une procédure dite renforcée dès lors qu’elles ont une incidence, immédiate ou non, sur la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Il est, à ce titre, nécessaire de convoquer le salarié à un entretien préalable en vue de recueillir ses explications sur les faits reprochés[2].

La convocation à entretien

La lettre de convocation doit comporter les mentions suivantes[3] :

  • l’objet de l’entretien, à savoir la notification d’une éventuelle sanction disciplinaire : attention, il est indispensable de faire référence à une sanction envisagée/éventuelle, la décision ne devant pas, à ce stade, être prise ;
  • la date, l’heure et le lieu de l’entretien : contrairement à la procédure de licenciement, il n’existe pas de délai légal entre la date de réception de la convocation et la date de l’entretien préalable. Il est toutefois recommandé d’appliquer ce même délai de cinq jours ouvrables dès lors qu’un délai suffisant doit être respecté ;
  • la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise : contrairement à la procédure de licenciement, il n’est pas prévu une possibilité d’assistance par un conseiller extérieur en l’absence de représentant du personnel.

La convocation peut être soit remise en main propre contre décharge (un exemplaire est conservé par la société portant la date et la signature apposées par le salarié), soit par lettre recommandée avec accusé de réception[4].

Déroulement de l’entretien préalable

Durant l’entretien, le salarié et l’employeur peuvent se faire assister par une personne appartenant au personnel de l’entreprise.

L’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La notification de la sanction

La sanction doit être écrite et motivée[5]. La motivation doit être suffisante pour permettre au salarié de connaître la nature des faits qui lui sont reprochés.

Ainsi, la seule référence à l’entretien préalable dans la lettre de notification ne suffit pas à motiver la sanction[6].

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien.

Le délai d’un mois n’est ni interrompu ni suspendu pendant la période de suspension du contrat de travail provoquée par un accident de travail, une maladie professionnelle ou non professionnelle[7].

Limites au pouvoir de sanction

Principe non bis idem

Un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait[8]. L’employeur ne peut, en outre, pas annuler la sanction notifiée au salarié pour en imposer une autre plus sévère pour les mêmes faits[9].

Attention : à ce titre, il peut être considéré que constitue une sanction à l’encontre d’un salarié, un email dans lequel l’employeur formule un certain nombre de reproches et invite ce dernier à un changement immédiat de comportement[10].

Enfin, l’employeur qui, ayant connaissance de plusieurs faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction[11].

Prescription

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à une sanction au-delà de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance[12].

Point de départ du délai de prescription

Il est considéré que le délai de prescription commence à courir dès lors que l’employeur ou le responsable hiérarchique, même non titulaire du pouvoir de sanctionner, sont informés des faits[13].

En d’autres termes, peu importe que le responsable hiérarchique n’ait pas informé immédiatement l’employeur, si le délai de deux mois s’est écoulé lorsqu’il le fait, les faits sont prescrits.

La connaissance par l’employeur des faits, permettant le démarrage du délai de prescription, s’entend comme l’information exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Ainsi, si une enquête complémentaire, voire un audit, sont nécessaires pour connaître avec précision les faits, le point de départ du délai de prescription se situe à la date de restitution de l’enquête.

Date de vérification du respect du délai de prescription

Le respect de ce délai de prescription est ensuite vérifié à la date d’envoi de la convocation à entretien préalable.

Ainsi, la sanction peut être notifiée plus de deux mois après la connaissance des faits par l’employeur dès lors que le salarié a bien été convoqué à un entretien dans ce délai.

Si la procédure renforcée n’est pas applicable, la date de notification de la sanction est en revanche retenue pour déterminer si les faits fautifs sont prescrits.

Interruption du délai de prescription

Le délai de prescription est interrompu en cas de poursuites pénales initiées à l’encontre du salarié. Dans cette hypothèse, le délai de prescription de deux mois démarre à nouveau :

  • à compter de la décision définitive ;
  • à compter de la connaissance de cette décision par l’employeur s’il n’est pas partie à l’instance.

Le délai de prescription est également interrompu en cas de réitération d’un fait fautif de même nature ou en cas de manquement continu.

Ainsi, si le salarié commet un acte d’insubordination début janvier puis fin février, il sera possible de le sanctionner pour ces deux faits jusqu’à fin avril.

En effet, le délai de prescription du 1ᵉʳ fait a été interrompu par la commission du 2nd manquement et le délai de prescription des deux faits a démarré à nouveau à cette date.

De la même manière, si le salarié est en absence injustifiée, le manquement est continu de sorte que le délai de prescription ne commence pas à courir. Ce délai ne débutera en effet qu’à la date de reprise du salarié.

Prescription des sanctions

L’employeur peut invoquer des sanctions antérieurement notifiées pour justifier de la notification d’une sanction plus grave, voire d’un licenciement.

Ainsi, il ne s’agit pas de sanctionner à nouveau les faits visés par la précédente sanction, mais d’indiquer que le salarié ayant d’ores et déjà été alerté, le comportement adopté par celui-ci postérieurement constitue un manquement plus grave.

Attention toutefois : aucune sanction antérieure de plus de trois ans ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction[14].

L’employeur ne peut ainsi plus tenir compte d’une sanction de plus de trois ans pour sanctionner une nouvelle faute. Ce délai court à compter de la notification de la sanction.

En définitive, il est donc d’importance de connaître précisément la typologie des sanctions envisageables, mais également la procédure et les principes applicables en la matière.

En effet, les sanctions disciplinaires pouvant être rappelées pour justifier d’une décision plus importante (licenciement) en cas de réitération des faits fautifs, leur annulation pourra avoir un impact, le cas échéant, sur le bien-fondé de celle-ci.

En outre, le non-respect des règles applicables en matière disciplinaire pourra ouvrir droit au salarié à indemnisation.


Caroline Mo – avocate
cmo@socos-avocats.com
https://socos-avocats.com/

  • [1] Article L. 1332-1 du Code du travail
  • [2] Article L. 1332-2 du Code du travail
  • [3] Article R. 1332-1 du Code du travail
  • [4] Article R. 1332-1 du Code du travail
  • [5] Article L. 1332-2 du Code du travail
  • [6] Cass. soc., 17 janvier 1995, n° 91-43.815
  • [7] Cass. soc., 27 février 2013, n° 11-27.130
  • [8] Cass. soc., 18 février 2004, n° 02-41.622
  • [9] Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-21.495
  • [10] Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-42.893
  • [11] Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-12.976
  • [12] Article L.1332-4 du Code du travail
  • [13] Cass. soc., 23 juin 2021, n° 20-13.762
  • [14] Article L. 1332-5 du Code du travail