Tous les métiers de la vape
Juridique
11 octobre 2024

Manquements du salarié : quelles sanctions appliquer ?

Les relations contractuelles entre un employeur et un salarié peuvent conduire à des constats de manquements fautifs de la part de ce dernier. Il peut ainsi être nécessaire de sanctionner le salarié afin non seulement d’acter du manquement, mais également de l’informer officiellement de la nécessité de modifier son comportement. Cette sanction doit être adaptée à la gravité de la faute et au passé disciplinaire du salarié. Elle doit en outre respecter les garanties procédurales applicables en la matière. Dans ce 1er volet, il sera examiné les types de sanctions applicables en cas de manquement fautif du salarié avant d’étudier dans un 2nd volet les règles applicables aux sanctions disciplinaires, notamment en termes de procédure.

Champ d’application des sanctions

D’ores et déjà, il est important de distinguer manquements fautifs et insuffisance professionnelle. En effet, le fait pour le salarié de ne pas exécuter de manière satisfaisante sa mission, sans volonté délibérée de sa part, ne peut donner lieu à une sanction disciplinaire. Seul un manquement fautif peut conduire à la notification d’une telle sanction.

Typologie des sanctions disciplinaires 

Les sanctions disciplinaires ne sont pas listées par le Code du travail. L’article L. 1331-1 du Code du travail définit simplement les sanctions disciplinaires comme des mesures prises par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Par principe, les sanctions doivent être prévues par le règlement intérieur de la société, étant toutefois précisé que, depuis le 1er janvier 2020, seules les entreprises d’au moins 50 salariés sont soumises à cette obligation (entreprises d’au moins 20 salariés auparavant).

L’avertissement

L’avertissement est une sanction légère, soumise à une procédure simplifiée (une simple notification écrite). Sa portée est ainsi limitée en ce qu’il n’affecte pas la relation de travail de manière immédiate.

L’avertissement est uniquement porté dans le dossier disciplinaire du salarié et pourra, le cas échéant, être utilisé pour justifier de la notification d’une sanction plus grave en cas de nouveaux manquements. En effet, le comportement du salarié sera considéré comme étant plus grave si, alors qu’il a déjà fait l’objet d’un avertissement, il commet un nouveau manquement.

De ce fait, une sanction plus importante pourrait être envisagée, et ce même si le manquement est similaire au premier ayant justifié un simple avertissement. L’étape de l’avertissement n’est toutefois pas une étape obligatoire. Le salarié commettant un acte grave peut se voir notifier en premier lieu une sanction plus importante, sans pouvoir revendiquer une gradation de la sanction.

La mise à pied disciplinaire

La mise à pied disciplinaire est une mesure de suspension provisoire du contrat de travail entraînant l’interdiction pour le salarié d’exercer ses fonctions pendant la durée de cette sanction et, de manière subséquente, l’absence de versement de rémunération au titre de cette période.

La durée de la mise à pied disciplinaire doit être fixée dans le Règlement intérieur de la société. Attention : la mise à pied disciplinaire doit être distinguée de la mise à pied conservatoire.

La mise à pied conservatoire n’est en effet pas une sanction. Il s’agit d’une étape de la procédure de licenciement pour faute : au regard de la gravité des faits commis par le salarié, ce dernier est mis à pied à titre conservatoire (il lui est donc interdit de travailler) pendant la durée de la procédure de licenciement. Cette mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée si la procédure de licenciement aboutit à un licenciement pour faute grave. 

La rétrogradation

La rétrogradation consiste en un déclassement professionnel : le salarié perd ainsi certaines de ses responsabilités ou évolue sur un poste inférieur. Sa rémunération évolue à ce titre pour correspondre aux nouvelles fonctions occupées.

Attention : une “rétrogradation” impliquant en réalité uniquement une diminution de salaire sans modification des fonctions est illicite[1]. La rétrogradation constitue une modification du contrat de travail. De ce fait, et quand bien même les manquements fautifs du salarié sont réels, son accord demeure nécessaire pour la mise en œuvre de cette rétrogradation[2].

Si le salarié refuse la rétrogradation, l’employeur peut en revanche notifier une autre sanction à ce dernier, en lieu et place de la rétrogradation[3]. À ce titre, il doit convoquer le salarié à un nouvel entretien dans un délai de deux mois suivant le refus de la modification[4]

La mutation

La mutation disciplinaire conduit à fixer un nouveau lieu de travail au salarié du fait d’un manquement fautif[5]. Lorsque la mutation disciplinaire s’opère dans un autre secteur géographique, elle constitue une modification du contrat nécessitant l’accord du salarié[6].

Dans cette hypothèse, et comme pour la rétrogradation, en cas de refus du salarié, l’employeur peut choisir une autre sanction en lieu et place de la sanction refusée dans un délai de deux mois à compter du refus du salarié.

En revanche, lorsque le contrat de travail comporte une clause de mobilité (permettant ainsi une mutation du salarié sans son accord dans un autre secteur géographique), le salarié n’est plus en droit de refuser la mutation disciplinaire[7].

Les sanctions prohibées

Il existe deux types de sanctions prohibées : les sanctions pécuniaires et discriminatoires.

Les sanctions pécuniaires

L’article L. 1331-2 du Code du travail interdit les amendes ou autres sanctions pécuniaires.

Cette interdiction étant d’ordre public, toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.

Cette interdiction signifie que toute réduction ou suppression d’un élément de rémunération (suppression d’une prime par exemple) en raison des faits considérés comme fautifs par l’employeur constitue une sanction pécuniaire prohibée.

À titre d’exemple, il ne peut être opéré une retenue de salaire au salarié ayant eu un accident de la circulation avec le véhicule mis à sa disposition, et ce, afin de rembourser les frais engendrés par cet accident[8].

Il en est de même de la suppression d’une prime de rendement en raison de faits considérés comme fautifs par l’employeur[9].

Il est en revanche admis qu’une sanction puisse avoir un effet indirect sur la rémunération du salarié. Il en est ainsi par exemple de la mise à pied disciplinaire étudiée ci-avant. Il en est également de même des retenues opérées en raison des retards injustifiés du salarié[10].

Les sanctions discriminatoires

Aucune sanction ne peut être fondée sur un motif discriminatoire[11].

Ainsi, aucun salarié ne peut être sanctionné en raison :

  • de son sexe ou de ses origines notamment ;
  • pour avoir relaté ou témoigné de bonne foi, des faits d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, ou d’avoir signalé une alerte[12] ;
  • pour avoir subi ou refusé de subir ou témoigné ou relaté des agissements de harcèlement moral ou sexuel[13].

Toute mesure prise en contradiction avec ces mesures est nulle de plein droit.

En définitive, lorsqu’un salarié commet un manquement fautif, il est indispensable de s’interroger sur la sanction appropriée pouvant être prononcée.

Celle-ci dépendra en 1er lieu de la gravité du manquement commis, ce qui conduit à prendre en compte notamment le préjudice engendré par ce comportement. En outre, il conviendra de tenir compte de l’ancienneté et du passé disciplinaire du salarié.

Ainsi, par principe, un salarié ayant une faible ancienneté et ayant d’ores et déjà fait l’objet d’une sanction pourra être sanctionné plus lourdement qu’un salarié ayant commis des faits similaires, mais ayant une ancienneté importante et aucun passé disciplinaire. Il est également important de prendre conscience de l’importance de la sanction dans l’hypothèse d’un éventuel licenciement par la suite.

En effet, un salarié ayant déjà commis des manquements similaires, mais n’ayant jamais fait l’objet de sanctions, pourrait contester son licenciement en se fondant, par exemple, sur une tolérance de l’employeur sur les manquements fautifs ayant donné lieu audit licenciement.

Il pourrait également indiquer qu’aucune remarque ne lui ayant été faite auparavant, la notification d’un licenciement est disproportionnée.


Caroline Mo – avocate
cmo@socos-avocats.com
https://socos-avocats.com/

  • [1] Cass. soc. 23 février 1994, n° 90-45.001
  • [2] Cass. soc. 15 juin 2000, n° 98-43.400
  • [3] Cass. soc. 15 juin 2000, n° 98-43.400
  • [4] Article L. 1332-4 du Code du travail ; Cass. soc. 27 mars 2007, n° 05-41.921
  • [5] Cass. soc. 31 mars 2009, n° 07-44.791
  • [6] Cass. soc. 2 mars 2010, n° 08-44.902
  • [7] Cass. soc. 11 juillet 2001, n° 99-41.574
  • [8] Cass. soc. 6 mai 2009, n° 07-44.486
  • [9] Cass. soc. 7 mai 1991, n° 87-43.350
  • [10] Cass. soc. 21 mars 2012, n° 10-21.097
  • [11] Article L. 1132-1 du Code du travail
  • [12] Article L. 1132-3-3 du Code du travail
  • [13] Articles L. 1152-2 et L. 1153-2 du Code du travail