Le droit social est en constante évolution et est soumis plus particulièrement aux positions des juridictions sur les modalités d’application/d’interprétation des textes. Pour vous permettre de rester en alerte sur ces évolutions, nous vous proposons un tour d’horizon des principaux arrêts rendus au cours de l’année 2023 !
Sources
Application d’une convention collective : portée de la mention dans le contrat de travail
Cass. soc. 5 juillet 2023, n° 22-10.424
La convention collective applicable est, par principe, celle correspondant à l’activité principale de la société.
Que se passe-t-il toutefois lorsqu’un employeur mentionne une autre convention collective que celle applicable au regard de ce principe dans le contrat de travail d’un salarié ?
Pour la Cour de cassation, cela vaut engagement contractuel d’appliquer cette autre convention collective selon la distinction suivante :
Au titre des relations individuelles (primes, rémunération minimum, indemnité de licenciement…) : cette convention collective s’applique au salarié.
Attention toutefois : cela n’induit pas que la convention collective correspondant à l’activité principale ne s’applique plus et est remplacée par la convention collective mentionnée dans le contrat de travail.
La convention collective correspondant à l’activité principale étant applicable à titre obligatoire, il doit être comparé les avantages similaires des deux conventions collectives et le plus favorable est appliqué au salarié.
Si les conventions collectives prévoient des avantages distincts, ces avantages s’appliquent tous au salarié.
Au titre des relations collectives (aménagement du temps de travail, dispositions relatives au CSE…) : la convention collective applicable demeure celle correspondant à l’activité principale.
Période d’essai : validité du renouvellement
Cass. soc. 25 janvier 2023, n° 21-13.699
Un salarié appose sa signature sur une lettre de renouvellement mais sans la mention “bon pour accord”.
Ensuite de la rupture de sa période d’essai, il conteste la validité de celle-ci en indiquant qu’il n’a pas donné son accord au renouvellement de la période d’essai.
La seule signature de la lettre de renouvellement est-elle suffisante pour démontrer l’accord du salarié sur ledit renouvellement ?
Oui et non.
La Cour de cassation juge par principe que le salarié doit exprimer expressément son accord pour que le renouvellement soit valide, de sorte que l’apposition notamment de la mention “bon pour accord” est nécessaire.
Toutefois, dans la situation particulière qui lui était soumise, elle relève que le salarié avait exprimé son accord dans différents e-mails et avait même informé un recruteur du renouvellement de sa période d’essai, celui-ci fournissant une attestation dans le cadre du contentieux.
Elle juge, dans ce cadre, que l’employeur produit suffisamment d’éléments concordants pour démontrer la réalité de l’accord du salarié sur le renouvellement de sa période d’essai malgré l’absence de mention “bon pour accord”.
Licenciement
Convocation à entretien préalable : décompte du délai de 5 jours ouvrables
Cass. soc. 6 septembre 2023, n° 22-11.661
L’entretien préalable à un licenciement ne peut se tenir moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de sa convocation.
Cette règle induit-elle que le salarié ait effectivement récupéré cette convocation ou que les services postaux l’aient présenté au salarié (sans remise effective) ?
La Cour de cassation rappelle dans cet arrêt que le délai de cinq jours ouvrables court à compter du lendemain de la présentation de la convocation à entretien préalable et non à compter de la remise effective de la convocation.
Ainsi, peu important que le salarié ne se rende pas au bureau de poste pour retirer sa convocation, si celle-ci a été présentée, le délai a commencé à courir dès le lendemain de cette date.
Autre rappel sur la procédure : le délai se décompte en jours ouvrables (du lundi au samedi, hors dimanches et jours fériés).
Attention : si le 5e jour tombe sur un samedi, la fin du délai de 5 jours est prorogée au 1er jour ouvrable suivant.
Exemple : la convocation à entretien préalable est présentée au salarié le lundi 25 septembre mais il ne la récupère que le vendredi 29 septembre et l’entretien préalable est prévu le 2 octobre.
Le point de départ est le lendemain de la présentation, soit le mardi 26 septembre.
Le délai de 5 jours ouvrables expire le samedi 30 septembre. Dès lors qu’il s’agit d’un samedi, la fin du délai est reportée au lundi 2 octobre et l’entretien ne pouvait avoir lieu avant le 3 octobre.
Inaptitude : motif de licenciement d’ordre public
Cass. soc. 8 février 2023, n° 21-16.258
Un salarié est convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement pour faute. En cours de procédure, il est déclaré inapte par le médecin du travail.
Peut-on poursuivre la procédure de licenciement initiée sans tenir compte de l’avis d’inaptitude ?
La Cour de cassation juge par la négative.
Si le salarié est déclaré inapte, il doit faire l’objet d’une procédure de licenciement pour inaptitude, et ce, peu important qu’une autre procédure de licenciement ait été initiée antérieurement.
Preuve : la pratique du client mystère
Cass. soc. 6 septembre 2023, n° 22-13.783
Un salarié est licencié sur la base du rapport établi par un client mystère. Il conteste son licenciement en estimant que la pratique du client mystère constitue un stratagème déloyal de la part de l’employeur et ne peut servir de preuve.
La pratique du client mystère peut-elle fonder un licenciement ?
Oui, selon la Cour de cassation, si le salarié a bien été informé de cette pratique. Attention également, si un CSE existe, il doit être informé et consulté des moyens permettant le contrôle des salariés (article L. 2312-38 du Code du travail).
Durée du travail
Congés payés : acquisition de congés payés durant les arrêts de travail
Cass. soc. 13 septembre 2023, n° 22-17.340
Cass. soc. 13 septembre 2023, n° 22-17.638
Cass. soc. 13 septembre 2023, n° 22-10.529
Par principe, les salariés en arrêt de travail ne pouvaient acquérir de congés payés durant cette période (sauf dispositions conventionnelles plus favorables). Une exception existait : le salarié en arrêt de travail du fait d’un accident du travail devait acquérir des congés payés durant une année.
La Cour de cassation a toutefois opéré un revirement en ce domaine. À présent, elle juge que :
- les salariés en arrêt de travail acquièrent des congés payés ;
- les salariés en arrêt de travail pour accident du travail acquièrent des congés payés sans limitation de durée.
En outre, le délai de prescription en matière de régularisation d’indemnités de congés payés est par principe de trois ans.
Or, la Cour de cassation précise que ce délai n’est opposable au salarié que si l’employeur l’a mis en mesure de prendre ses congés payés.
Cela induit donc que les salariés concernés peuvent remonter au-delà de la prescription triennale pour leurs demandes de régularisation de congés payés.
En définitive, la Cour de cassation a fait évoluer ses positions sur un certain nombre de sujets.
L’évolution la plus importante est la nouvelle position prise au titre des congés payés, celle-ci impactant directement et financièrement les entreprises.
En effet, à présent, les salariés cumulent des congés payés, même durant leurs arrêts de travail, et pourront donc soit solliciter la prise de ses congés payés à leur retour (qui pourront avoir été cumulés sur plusieurs années), soit bénéficier d’une indemnité de congés payés conséquente en cas de rupture du contrat de travail.