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Juridique
3 octobre 2024

Harcèlement sexuel : quelles conséquences ?

On dévoile le troisième et dernier volet de notre grand dossier consacré au harcèlement sexuel au sein des entreprises. 

Si une situation de harcèlement sexuel est constatée, l’employeur s’expose à un risque non seulement de rupture du contrat de travail à ses torts, mais également de condamnations, notamment prud’homales, à l’initiative du salarié harcelé. En effet, aucune sanction ne peut être prise contre le salarié harcelé, du fait de ce harcèlement. Par ailleurs, l’employeur étant tenu d’une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés, la réalisation d’une situation de harcèlement sexuel l’expose à des condamnations de ce fait. Outre les conséquences indemnitaires pour l’employeur, le constat d’une situation de harcèlement sexuel peut bien évidemment entraîner des répercussions sur le maintien du salarié harceleur au sein de la société. Tour d’horizon des règles applicables en ce domaine.

Nullité du licenciement du salarié harcelé

Conformément à l’article L. 1153-1-2 du Code du travail, aucune personne ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou ayant, de bonne foi, témoigné de faits de harcèlement sexuel ou relaté de tels faits ne peut bien évidemment être licenciée de ce fait.

Si le salarié démontre un lien entre la rupture de son contrat de travail et cette situation, son licenciement est alors requalifié en licenciement nul.

Cela induit, pour le salarié, les droits suivants :

  • un droit à réintégration au sein de la société avec versement d’une somme visant à indemniser la totalité du préjudice entre la date d’éviction et la date de réintégration, sans que cette indemnisation puisse être supérieure aux salaires dont il a été privé ;
  • si le salarié ne souhaite pas être réintégré : il pourra bénéficier d’une indemnisation au titre de la nullité de son licenciement, laquelle ne peut pas être inférieure à 6 mois de salaire (le barème dit Macron ne trouvant pas à s’appliquer dans cette hypothèse).

En outre, le salarié pourrait solliciter l’indemnisation de préjudices distincts, tels qu’exposés ci-après.

Indemnisation des préjudices subis du fait du harcèlement sexuel

Le salarié peut solliciter l’octroi d’une indemnisation au titre de préjudices distincts (s’il parvient à démontrer leur existence) :

  • le préjudice moral : il est admis que le salarié peut, outre l’indemnisation au titre du licenciement nul, solliciter une indemnisation du fait du préjudice moral subi du fait du harcèlement subi (cass. soc. 2 février 2017, n°15-26892) ;
  • le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité : le salarié peut également solliciter une indemnisation spécifique du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Il en sera notamment ainsi lorsque l’employeur, alors qu’il est alerté d’une situation de harcèlement, ne prend aucune mesure (cass. soc. 5 janvier 2022, n°20-14927).

Rupture du contrat de travail par le salarié du fait des actes de harcèlement sexuel

Le salarié victime de faits de harcèlement sexuel peut rompre son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Ainsi, le salarié peut :

  • prendre acte de la rupture de son contrat de travail : la rupture prend alors effet immédiatement et la juridiction lui fera produire les effets d’un licenciement nul (avec les conséquences précitées) si les manquements sont suffisamment graves. Cette rupture produira, dans le cas contraire, les effets d’une démission ;
  • solliciter en justice la résiliation judiciaire de son contrat de travail : le salarié demeure dans les effectifs de la société durant cette action. Le Conseil de prud’hommes juge ensuite si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour prononcer la rupture du contrat de travail. Si tel est le cas, la rupture produira là encore les effets d’un licenciement nul. Dans le cas contraire, le salarié demeure dans les effectifs de la société.

Remise en cause de la validité de la rupture conventionnelle

Si les faits de harcèlement sexuel ont eu un impact sur la validité du consentement donné par le salarié à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, cela peut remettre en cause celle-ci.

Ainsi, il a été jugé que la rupture conventionnelle était nulle lorsque le salarié avait alerté à plusieurs reprises son employeur d’une situation de harcèlement sexuel sans qu’aucune mesure ne soit prise. Par suite, le salarié apparaissait avoir été contraint de signer une rupture conventionnelle en l’absence de toute autre solution mise en œuvre pour faire obstacle à cette situation de harcèlement sexuel (cass. soc. 4 novembre 2021, n°20-16550).

Conséquences pour le salarié harceleur

Enquête de l’employeur

Dès qu’il est informé d’actes potentiels de harcèlement sexuel, l’employeur doit diligenter une enquête afin de permettre de confirmer ou d’infirmer ces constats (cass. soc. 27 novembre 2019, n°18-10551).

Les modalités de cette enquête ont été précisées par la jurisprudence. Elle peut ainsi :

  • être menée par une entreprise extérieure (cass. soc. 17 mars 2021, n°18-25597) ;
  • être menée sans y associer le CSE (cass. soc. 1er juin 2022, n°20-22058) ;
  • être menée sans procéder à l’audition de l’ensemble des salariés concernés (cass. soc. 8 janvier 2020, n°18-20151).

Si la Cour de cassation se montre ouverte sur les modalités de réalisation de l’enquête, il demeure préférable de mener celle-ci, avec l’assistance du CSE, et en auditionnant l’ensemble des salariés potentiellement exposés ou témoins des faits de harcèlement.

Notification d’une sanction disciplinaire

Tout salarié ayant commis des faits de harcèlement sexuel est passible de sanction disciplinaire (article L. 1153-6 du Code du travail). Attention toutefois : l’employeur ne doit pas agir avec précipitation contre le salarié accusé de harcèlement.

Ainsi, la mise en cause précipitée et humiliante d’un salarié ouvre droit, pour ce dernier, à une indemnisation au titre du manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur (cass. soc. 6 juillet 2022, n°21-13631).

Notification d’un licenciement

La démonstration d’une situation de harcèlement sexuel peut conduire à la notification d’un licenciement pour faute du salarié.

Par exemple, justifient le licenciement pour faute grave d’un salarié :

  • la tenue de propos déplacés à connotation sexuelle et l’exercice sur l’une des salariées de pressions pour tenter d’obtenir des faveurs de nature sexuelle (cass. soc. 18 février 2014, n°12-17557) ;
  • le fait d’avoir suivi une salariée sur le parking, dans le supermarché et jusqu’à son domicile devant lequel le salarié se plaçait en “observation” puis de s’être épanché auprès de collègues de travail sur les fantasmes qu’il pouvait avoir sur celle-ci (cass. soc. 14 septembre 2016, n°15-14630) ;
  • le fait d’avoir organisé un rendez-vous avec une collaboratrice placée sous ses ordres pour un motif professionnel en dehors des heures de travail et de l’avoir entraînée à cette occasion dans une chambre d’hôtel (cass. soc. 11 janvier 2012, n°10-12930).

Attention toutefois, cette qualification de faute grave sera exclue si la société a encouragé ou toléré les pratiques du harceleur antérieurement.

Ainsi, par exemple, lorsque les faits de harcèlement résultent d’une position managériale partagée, ils ne peuvent justifier le licenciement pour faute grave du salarié harceleur (cass. soc. 12 juillet 2022, n°20-22857).

Si cet arrêt était relatif à une situation de harcèlement moral, il peut être appliqué par analogie à une situation de harcèlement sexuel. En effet, si un salarié est encouragé dans son comportement, pouvant être qualifié de harcèlement sexuel, par la société, celle-ci ne peut ensuite notifier un licenciement pour faute grave en raison de ces mêmes faits.

En définitive, les risques financiers sont importants en matière de harcèlement sexuel en ce qu’ils ne sont pas plafonnés par le barème dit Macron et peuvent induire, non seulement l’indemnisation au titre d’un licenciement nul, mais également l’indemnisation de préjudices distincts.

À ce titre, des actions doivent donc être mises en œuvre pour prévenir le harcèlement (partie 2 de cette chronique) mais également pour sanctionner ledit harcèlement.

Attention toutefois à établir précisément les faits caractérisant un harcèlement sexuel afin de démontrer le bien-fondé de la sanction notifiée au “harceleur”.

À défaut, l’employeur s’expose, de la même manière, à une action judiciaire, cette fois-ci, du harceleur en contestation de la sanction prononcée.


Caroline Mo – avocate
cmo@socos-avocats.com
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