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Juridique
3 octobre 2024

Comment gérer le temps de travail des salariés ?

La détermination de la durée du travail du salarié est importante au sein d’une société puisqu’elle conditionne notamment le déclenchement des heures supplémentaires et le niveau de rémunération des salariés. Or, les temps de présence du salarié ne constituent pas la totalité du temps de travail effectif devant être pris en compte dans leur durée du travail. Certains temps font ainsi l’objet de contreparties, sans pour autant qu’ils soient pris en compte dans la durée du travail. Tour d’horizon des règles applicables en ce domaine.

Le temps de travail effectif

Les temps qualifiés de temps de travail effectif doivent être comptabilisés au titre de la durée du travail (et donc pris en compte pour vérifier le dépassement éventuel de la durée du travail et les heures supplémentaires) et doivent être rémunérés comme tel. L’ensemble des temps de présence du salarié ne sont toutefois pas du temps de travail effectif.

En effet, conformément à l’article L. 3121-1 du Code du travail, le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. C’est ainsi sur la base de cette définition que vont être examinés les différents temps de présence du salarié et leur qualification.

Temps de pause

Pour rappel, dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié doit bénéficier d’un temps de pause d’une durée minimale consécutive de 20 minutes[1].

Ce temps de pause constitue la seule règle impérative prévue par le Code du travail. Cela signifie que si une pause déjeuner de 20 minutes est octroyée, ce temps permet de respecter cette obligation.

En revanche, le fait d’octroyer durant une plage horaire de 6 heures 2 pauses inférieures à 20 minutes, mais dont la totalité dépasse 20 minutes, ne permet pas à l’employeur de respecter ses obligations en matière de temps de pause[2]. Le temps de pause doit toutefois être réellement un temps de pause.

En effet, sur la base de la définition du temps de travail effectif, il a été jugé que s’il est imposé aux salariés de se restaurer sur le lieu de travail et que ces derniers ne disposent d’aucune liberté de mouvement durant cette période, cette pause est en réalité du temps de travail effectif et doit être prise en compte dans la durée du travail[3].

En revanche, le simple fait que la pause soit de courte durée (3 minutes par heure) ne conduit pas à qualifier celle-ci de temps de travail effectif[4]. Il en est de même des pauses durant lesquelles le salarié est tenu de répondre aux éventuels urgents (notamment au titre des informations devant être transmises aux transporteurs). Celles-ci ne sont pas considérées comme du temps de travail effectif[5].

Temps d’habillage et de déshabillage

Par principe, le temps d’habillage et de déshabillage ne constitue pas du temps de travail effectif. En revanche, le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage doit faire l’objet de contreparties soit sous forme financière, soit en repos si les conditions suivantes sont réunies :

  • lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail ;
  • lorsque l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail[6].

Ainsi, si ces deux conditions cumulatives sont remplies, une contrepartie doit être octroyée au salarié. En revanche, le temps passé à l’habillage ou au déshabillage ne doit pas être pris en compte dans la durée du travail du salarié.

L’employeur dispose toutefois de la possibilité d’assimiler ces temps à du temps de travail effectif.

En effet, un accord collectif ou le contrat de travail peut prévoir que ce temps doit soit faire l’objet d’une contrepartie, soit être traité comme du temps de travail effectif[7].

Temps de déplacement

L’article L. 3121-4 du Code du travail définit les règles applicables en matière de déplacement. La distinction suivante s’applique :

  • le temps de déplacement domicile / lieu de travail habituel (entreprise) ne constitue pas du temps de travail effectif et ne doit pas faire l’objet de contreparties ;
  • le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail (par exemple lieu de rendez-vous client) n’est pas un temps de travail effectif, mais doit faire l’objet d’une contrepartie s’il dépasse le temps normal de trajet domicile / lieu de travail ;
  • le temps de déplacement entre deux lieux de travail constitue du temps de travail effectif : cette qualification résulte de l’obligation, pour le salarié, de passer par le lieu de travail avant de se rendre chez un client par exemple. En revanche, si le salarié passe par son lieu de travail par convenance personnelle, la qualification de temps de travail effectif ne s’applique pas (Cass. soc. 26 mars 2008, n°05-41476).

Ainsi, la contrepartie n’est versée qu’au titre du temps de déplacement professionnel dépassant le temps de trajet normal domicile / lieu de travail. La contrepartie octroyée aux salariés peut être en repos ou en argent et doit être déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du CSE, s’il en existe.

Classiquement, cette contrepartie est égale à un pourcentage du taux horaire ou du temps de déplacement concerné (par exemple, une contrepartie égale à 25 % du temps de déplacement).

Une limite s’applique toutefois à la liberté de fixation de la contrepartie par l’employeur : la part du temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail ne doit entraîner aucune perte de salaire.

Par exemple : un salarié est soumis aux horaires de travail suivants : 9h-17h avec une pause entre 12h30 et 13h30. Son temps de trajet domicile / lieu de travail est de 30 minutes.

Il se rend, depuis son domicile, à un rendez-vous client situé à deux heures de trajet. Son rendez-vous client est prévu à 10 heures. L’employeur a, via décision unilatérale, prévu une contrepartie égale à 25 % du temps de déplacement devant être compensée.

Le salarié part à 8 heures pour se rendre chez son client. Compte tenu de son temps de trajet normal (30 minutes), 1h30 de temps de déplacement professionnel doivent être compensées.

Soit :

  • 30 minutes de temps de déplacement devant être compensées à hauteur de 25 %, soit 7,5 minutes de repos octroyées ;
  • 1 heure de déplacement est située durant les horaires de travail du salarié : le salarié percevra une rémunération égale à son taux horaire au titre de ce temps. Cette heure de déplacement n’est toutefois pas prise en compte dans sa durée du travail.

Ces règles s’appliquent-elles aux salariés itinérants ?

La Cour de cassation a récemment apporté des précisions quant aux temps de déplacement des salariés itinérants et juge que leur temps de trajet entre leur domicile et leur 1er client peut constituer du temps de travail effectif s’il répond à la définition de l’article L. 3121-1 du Code du travail (Cass. soc. 23 novembre 2022, n°20-21924).

Ainsi, par exemple, un salarié disposant d’un téléphone portable et d’un kit main libre, échangeant avec ses clients lors de ses déplacements, peut être considéré comme étant en temps de travail effectif. Ces temps de déplacement doivent donc être pris en compte dans la durée du travail et être rémunérés comme tels.

En définitive, il convient de déterminer précisément les temps devant être pris en compte pour déterminer la durée exacte du travail du salarié.

En effet, la qualification de ces temps aura un impact sur la rémunération du salarié (et notamment le décompte des heures supplémentaires) mais également sur la détermination de la durée quotidienne/hebdomadaire maximale ou encore du repos quotidien/hebdomadaire minimum.


Caroline Mo – avocate
cmo@socos-avocats.com
https://socos-avocats.com/

  • [1] Article L. 3121-16 du Code du travail
  • [2] Cass. soc. 20 février 2013, n°11-21599
  • [3] Cass. soc. 4 janvier 2000, n°97-43026
  • [4] Cass. soc. 5 avril 2006, n°05-43061
  • [5] Cass. soc. 2 juin 2021, n°19-15468
  • [6] Article L. 3121-3 du Code du travail
  • [7] Articles L. 3121-7 et -8 du Code du travail